Page:Sorr - Le vampire, 1852.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
le vampire.

Sa nouvelle existence exigea un surcroît de dépenses. Mais la courageuse mère, toute à son idée ambitieuse, ne s’en effraya pas. Elle augmenta ses privations. Pour son fils, elle se fit avare. Ses vêtements, entourés de précautions défiaient l’usure ; ses chapeaux se transformaient mais n’étaient jamais remplacés. Il est vrai aussi, que l’été Raoul avait, pour le dimanche un pantalon blanc, cette toilette de luxe des élèves soumis à l’uniforme. Pendant quinze jours, Valérie retranchait un plat de sa table, économisait son pain et son sucre avec une âpre joie, buvait l’eau à peine teinte de vin ; mais presque tous les soirs elle apportait une friandise à Raoul à l’heure du goûter, et, chaque congé, celui-ci trouvait chez sa mère un excellent repas. Ce genre de vie pauvre mais non misérable, dura huit ans, jusqu’à l’époque où le jeune élève sortit bachelier.

Nous ne nous inquiétons pas de savoir ni de dire si Raoul fit de bonnes classes et s’il remporta un nombre suffisant de prix, car l’éducation sérieuse d’un homme ne commence qu’à l’issue du collège. Valérie le savait fort bien, aussi ce moment amena-t-il chez elle une poignante inquiétude. Mais une main amie prévint presque ses démarches. Nohé-Nahm, ce bon génie familier, se présenta un jour devant elle ; c’était constamment le même homme, ne promettant rien mais obtenant, ferme de dévoûment, impassible et mystérieux.

La veuve lui prit sa main et la baisa. Cet homme qu’elle avait repoussé autrefois, elle l’admirait en ce jour.

— Votre fils, madame, va quitter le collège, à quoi le destinez-vous ?… — dit-il sans préambule et de ce ton qui annonce qu’on a déjà une résolution prise.