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le vampire.

Bible, parfois, mais rarement, une colonne tronquée, et c’est tout. Ces soins touchants que l’on observe religieusement en France, surtout à Paris, ces tombes couvertes de fleurs, cette continuité de vie qui semble poursuivre la mort jusqu’au fond du tombeau, tout ce qui dit aux étrangers le souvenir est inconnu en Angleterre. Les allées sont formées de cyprès noirs et de sapins verts.

Dans l’obscurité, l’ombre de Lodore se confondit avec le mur sombre. Sa silhouette apparut une seconde sur la crête. Il atteignit un cyprès et glissa sans bruit à terre.

Depuis son départ de Snow-street, de temps à autre s’était montrée au loin derrière lui une ombre discrète, le suivant dans la nuit, s’évanouissant quand il s’arrêtait. Cette ombre gravit la muraille au même endroit que le lord, et comme lui se fondit dans les branches du cyprès.

Or, M. Mob ayant eu le malheur de perdre sa petite sœur, l’avant-veille, malgré ses appréhensions d’une fin plus reculée, attendait cette nuit même dans un coin de New-Cross, que le vampire vint exhumer le cadavre ainsi que le lui avait dit le résurrectionniste Digger. Il était là depuis plus de trois heures, et son impatience croissait à chaque quart que l’horloge tintait. Mais il se trompait sur la lenteur du temps, en laissant son imagination caresser d’avance les heures de bonheur qui l’attendaient après. En effet, à la remise du cadavre, M. Mob ne devait-il pas toucher sept schillings et demi, et pareille somme ne promet-elle pas des joies inénarrables dans l’heureux séjour de La Tanière des Renards.

Il calculait avec loisir et bonheur le nombre de bitters que cette somme promettait. Trente bitters !… Mais le temps fuyait derrière et le vampire n’apparaissait pas.