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le vampire.

frairaient de moi, et ne me plaindraient pas !… Et, pourtant, ce n’est pas une folie, je suis calme, j’ai toute ma raison. Ah ! ah ! désespoir ! Plus je suis calme, plus cet abîme m’attire, plus mes rêves s’exaltent horribles !… Certainement, il est en moi deux natures. La nuit, je ne suis plus le même, je me transforme, j’oublie, et une scène épouvantable se dresse devant moi. Les obstacles s’ouvrent en face de mes pas, les douleurs se taisent, mes yeux magnétisent… Puis, après, je m’éveille d’un cauchemar tourmenté, d’une nuit lassante, et j’ai peur de mon rêve ! rêve ?… non, réalité !… Et voilà dix ans que je vis ainsi ! Oh ! je me le rappelle, le jour de cette révélation affreuse ! J’avais vingt ans ; mes sens dormaient encore. Pourquoi ?… Ah ! parce que je suis laid, les sourires de femme ne s’adressaient pas à moi, je sentais les railleries tomber brûlantes sur mon cœur. Oui, vous avez ri de moi, de mon visage mal fait, de mon esprit sombre et méchant. Mais, par des nuits de colères et de fureur, qui donc s’est vengé, mes belles rêveuses ? Mais, comment cette pensée surgit-elle dans mon cerveau ? Mystère. C’était un jour sombre, je passais devant une église ; le glas sonnait, on entendait les chants funèbres et j’eus une secousse. De ce moment, je fus perdu ! Ah ! je suis bien malheureux !… — Il est minuit, le temps est noir, les rues sont seules ; oui, oui, c’est bien ainsi qu’il me faut les nuits !… Oh ! une fatale ivresse me gagne, cette obscurité m’attire, mon cerveau me jette des flots d’illusions hallucinantes. — J’irai. Oui, j’irai encore cette nuit, ma dernière ; après ce sera fini, oui, fini pour toujours. Faiblesse humaine ! Comme je me trompe… Non, si j’y allais ce soir, j’irais demain, puis, la nuit