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le vampire.

main dans le réalisme, et le hasard l’a conduit sur une atrocité, une bouffonnerie barbare de la nature.

Il est un mot de tréméfaction, d’épouvante pour quelques-uns, toujours bien inoffensif pour nous, que le lecteur victorieux, ce lecteur plus positif qu’un chiffre, qui lit les romans avec des yeux farouches, jette à la face de l’écrivain — invraisemblance ! Ce substantif ne nous tourmente pas aujourd’hui, ce ne sera pas à nous qu’on l’adressera.

Lord Lodore marchait, ou plutôt glissait toujours. Une lampe calme comme un cerveau académicien répandait sa lueur immobile.

Lodore parlait peu ; aussi, sa voix n’avait-elle pas un timbre déterminé, sûr. Sa parole, commençait sourde, mais, en s’activant, elle devenait forte.

Peu à peu un murmure troubla le silence ; l’allure du marcheur devint saccadée, heurtée. Il parla.

— Oui, quand je m’examine froidement, je m’effraie !… Plus j’avance dans la nuit, plus ma résolution tombe, plus ma volonté faiblit. Je suis sans force, sans énergie devant cette puissance funeste ; il est une main maudite qui me pousse en avant et je ne puis l’éviter ! Cependant, je veux m’arrêter, me rejeter hors de cette voie épouvantable, me régénérer !… J’en ai fait le serment. Par respect pour moi-même, je le tiendrai. Oui, oui, je violenterai cette passion monstrueuse, dont la pensée aux moments de calme, me fait dresser les cheveux !… Je n’irai pas !… Ah ! je suis malheureux !… Peut-être y aurait-il un remède, mais je n’ose le demander. Peut-être, existe-t-il un homme qui peut me guérir, mais je ne le connais pas !… Ah ! s’ils le savaient tous, ils s’ef-