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le vampire.

quelqu’épisode funèbre de quelque roman à sourde et sépulcrale mise en scène.

Il est des caractères qui ne s’ouvrent jamais. Des hommes toujours mystérieux, même avec eux-mêmes ; soupçonneux du silence comme du bruit ; tel était Lodore.

Toutefois, le soir où nous entrons dans la maison de Snow-street, il affluait dans le cerveau de cet homme, des idées inexplicables. Sa figure ossue, se crispait agitée ; ses yeux lançaient des feux comme du phosphore. Il marchait dans toute la longueur de sa chambre, sans vitesse, sans bruit. Les rideaux de l’alcôve ne l’arrêtaient pas, il s’engouffrait dans le noir et pendant un moment la salle paraissait abandonnée ; mais, peu à peu les tentures s’agitaient et l’ombre mouvante reparaissait tout à coup.

Nous voici en face d’une tête que nous n’osons esquisser. Un personnage pour lequel il faut écarter des détails, jeter des hachures inachevées. Nous avons beau le repousser dans les ombres éloignées, dans un fond obscur de notre toile, nous craignons toujours qu’elle ne ressorte trop. Or, cette monstruosité qui nous effraie, cette infirmité morale que nous redoutons d’étaler, n’a pas sursailli dans notre cerveau, on le sait[1]. Le romancier dans toutes ses débauches d’imagination, dans ses rêves d’étrangetés, n’aurait jamais pu atteindre une conception semblable. Seulement, il a plongé courageusement sa

  1. Nos lecteurs n’ont sans doute pas oublié l’étrange affaire du sergent B…, qui a si vivement ému le monde médical sur la fin de 1849. Le livre qui ne va pas à temps peut bien crayonner au coin d’un de ses pages ce que le Journal a complaisamment étalé devant tout le monde