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le vampire.

À cette époque, la physionomie de la veuve se modifia comme le sentiment de son cœur. Sa beauté se fit austère. Ses joues allanguies s’appalirent en une suave teinte, sa bouche perdit toute expression sensuelle et ses grands yeux noirs s’aréolèrent. Ce n’était plus la belle vierge raphaëlique, mais l’image vêtue de noir, la tête maigre et sans vie de la mère du Christ dans les vieux tableaux de Franck.

La jeune femme, l’avons-nous dit, était pauvre. À peine son revenu suffisait-il à soutenir sa modeste existence ; et cette pénurie l’effrayait non pour elle, mais pour son fils. Cependant, ainsi que dans toute âme pensive, un espoir rayonnait à ses yeux. Un homme ne l’avait point oubliée. L’amitié de Nohé-Nahm promettait pour l’avenir protection à son enfant.

L’enfance de Raoul s’écoula heureuse. Sa mère ne le punit et ne le gronda jamais. Seulement, s’il faisait une faute, elle devenait triste, s’il commettait une méchanceté, elle pleurait. Raoul aimait autant sa mère qu’il en était aimé, et comme les larmes d’une mère touchent le jeune cœur d’un enfant, il ne la fit presque jamais pleurer.

Raoul atteignit sa dixième année, cet âge où les soins de la famille étant le plus nécessaires aux enfants, le collège les prend. À la suite de bien des démarches, Nohé-Nahm obtint une bourse pour le fils de son amie.

Afin de moins se séparer de celui qu’elle aimait au dessus de tout, la pauvre mère, quitta son humble demeure de campagne et vint s’établir dans la ville. Ce lui fut une bien triste journée que celle où il lui fallut revenir seule chez elle, et longtemps elle pleura !…