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le vampire.

mangé, et le maître de langues sortait tout joyeux de La Tanière des Renards.

On se récriera peut-être de rencontrer ainsi, comme une simple observation, entre deux parenthèses, cet incident monstrueux. Or, ce n’est point la fantaisie qui nous suggère cette forme. Par cette simple hachure nous croyons esquisser la vraie physionomie du crime tel qu’il se perpètre dans les deux grandes villes. Ni foule, ni cris, ni torches. Tous les matins la Morgue, à Paris, les Bone-Houses à Londres, ouvrent leurs portes à des hommes assommés, noyés, assassinés pendant la nuit dernière. Pourquoi ? Pour un rien, un mot, une injure, un sou !… Et tout cela a été fait sans bruit, froidement, comme une chose toute simple. Les morts ne parlent pas. Voilà la raison. Pour ces êtres descendus si bas, la vie d’un homme n’est rien. Ainsi, Rabble part enchanté du tour qu’il vient de faire, et va boire toute la nuit dans une autre taverne. Parmi les nuages de son ivresse, une légère espérance flotte gaiement ; peut-être trouvera-t-il un autre homme ayant quelques shillings dans sa poche ; mais ces rencontres sont rares, et M. Rabble en serait attristé s’il n’était pas un peu ivre ! Quant à Droll, qui s’en occupe ? Il restera ainsi quelques jours ; on le croira ivre. Puis, un soir, Pander s’apercevra peut-être que ses brocs sont restés pleins, il le secouera et partira d’un gros rire en voyant qu’il est mort. Le bitter l’a tué, dira-t-on. C’était un enfant !… Et M. Pander rapportera ses brocs intacts, enchanté d’avoir été payé d’avance pour une consommation qui lui revient. Le soir on fera enlever le cadavre raidi, et tout sera fini. M. Rabble reviendra à La Tanière des Renards, on lui contera le fait, et il l’écou-