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le vampire.

Cette immense cruche passa de bouche en bouche, seulement le liquide paraissait diminuer beaucoup plus après les accolades de Bertram et de Mob, qu’après celles de Bob et de James.

Mais M. Rabble, depuis longtemps, ne buvait plus. Le regard sur l’irlandais Droll, étendu ivre-mort à son côté, il réfléchissait. Sa réflexion devait être sinistre.

Peu à peu une de ses mains disparut sous la table. Mais le marin se releva lourdement, lui jeta un regard soupçonneux, articula quelques mots sans suite, prit sa bourse, la plaça dans une autre poche et se coucha dessus. M. Rabble eut un sourire bizarre, si l’on peut appeler cette contraction labiale un sourire.

À peine retombé sur le banc, Droll replongea dans l’assoupissement et l’inertie de l’ivresse. Alors, sans effort, sans bruit, le professeur de langues d’une main saisit les deux poignets du matelot, de l’autre il lui encercla le cou comme dans un étau de fer. Le malheureux eut quelques tressauts de corps, ses membres s’agitèrent, puis tout fut fini. Son visage devint bleuâtre.

Tout doucettement, et simplement pour ne point attirer l’attention des buveurs attablés en face, M. Rabble plongea sa main dans la poche du malheureux étranglé et en retira la bourse de cuir.

Il appela Pander d’une voix tonnante, demanda un bitter et en solda le prix. Celui-ci ne s’inquiéta nullement d’où le professeur avait pu tirer cet argent. Il le servit et rentra dans son affreux repaire.

M. Rabble eut une pensée heureuse qui le fit sourire. Après avoir fouillé deux poches, il amena à lui le hareng fumé. Cinq minutes après, le bitter était bu, le hareng