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le vampire.

— Mais dites, quel mal supposez-vous que j’aie ?

— Je ne suppose pas, je suis sûr. Vous avez tous les symptômes de l’épidémie. Avant une heure, si l’on ne se hâte, avant une heure vous aurez le choléra !…

La sueur mouilla le visage appali du malade. Ses dents se martelèrent et sa voix ne put articuler une parole. Un mal aussi foudroyant que la peste, la peur, l’avait saisi.

Une heure après, Noirtier avait réellement le choléra. Dans le cours de la nuit, malgré les soins du docteur, il mourut.

Le désespoir de Valérie fut immense ; on craignit un moment pour ses jours, longtemps pour sa raison. Mais à travers le sombre deuil qui l’enveloppait, se dessinait toujours la belle tête du médecin qui, de son double duel avec la nature, sortit vainqueur. Mais aussi, quels soins ne donna-t-il pas à cette femme qu’il avait aimée !… Tout ce que l’amant peut imaginer, ce que le fils peut souffrir, il le surpassa. Il traversa des nuits entières les yeux sur la tête frappée, suivant avec inquiétude le cours du mal, observant avec espoir le progrès du remède. En un mot, il opéra presqu’un miracle, il violenta la nature et Mme Noirtier entra en convalescence.

La mort de l’avocat frappait doublement Valérie. Le paroxysme de l’angoisse du cœur passé, elle vit que cet événement la laissait pauvre avec un fils en bas âge.

Cet enfant s’offrit à ses yeux comme une transformation de l’être perdu. Aussi, unissant le sentiment torturé à l’amour maternel, elle se créa plus que de l’amour mais de l’adoration pour ce fils. Elle dit adieu aux joies de la terre, se retira du monde avec son berceau, et commença, non sans courage, une grande œuvre.