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le vampire.

haut. Ces messieurs eurent donc l’avantage de s’asseoir à la table que venait de fuir le résurrectionniste et où buvait encore le bon frère M. Mob. L’allure de ces hommes, surtout de celui qui portait une longue redingote grise à boutons blasonnés, paraissait légèrement atteinte d’ébriété. Sir James s’agitait dans une gaité folle. En parlant, il affectait fortement l’accent français. Lodore titubait un peu, et, comme toujours, se maintenait dans une grande sobriété de paroles.

Pander, en deux bonds, fut auprès d’eux, le cou tendu, les bras oscillants.

— Trois bitters ?

Bitters ! se récria sir James. Pour qui nous prends-tu, insulaire ?

— Mais, pour des consommateurs, peut-être.

— Nous buvons du vin !… Entends-tu, tavernier. C’est, du moins, le désir de mes deux amis James et Bob que voici !… Et du vin vrai, parce que je m’y connais, je sors des horse-guards, et je méprise la bière autant que le fantassin.

Parler de vin dans Mommouth Street, c’est tout comme si on demandait dans un café des boulevards un petit verre de nectar. Aussi le Pander, en homme qui ne se laisse jamais surprendre, répondit-il aussitôt :

— Vous voulez du vin. On pourrait vous en faire, mais ce serait un peu long. Nous avons du stout de la première force, et du gin qui ferait rire un quaker.

— Eh bien, apporte nous beaucoup de gin, trop de gin, s’écria James avec ce ton expansif et cet entrain qu’on ne trouve que dans les estaminets de Paris, entre onze heures et minuit. Mon cher Bertram, je regrette, en