Page:Sorr - Le vampire, 1852.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
225
le vampire.

— Et vous débarquez avec des couronnes plein les poches ?

— Ah ! oui, des couronnes. Quatre shillings quatre pence, voilà mes couronnes !… Ce qui me ruine, c’est l’amour… Je serais capable de donner mon hareng pour une femme. Écoute, Rabble, es-tu mon ami ?

— Ton frère, appelle moi ton frère ! s’exclama le linguiste tout expansif.

— Tu es mon ami !… Eh bien, faisons nous des confidences. Rabble, es-tu amoureux ?

— Amoureux… moi, non ; mais on l’a été de moi.

— Quand tu avais du linge. Écoute, mon ami, je vais te dire des choses… horribles… épouvantables… sur le compte… sur le compte…

— Sur le comte de Neuilly ?

— Neuilly… connais pas… sur le compte de… Pander.

Et, s’affaissant tout d’un coup sur la table, l’Irlandais demeura immobile, ivre-mort, intoxicated, empoisonné, selon l’expression assez juste des Anglais.

Le professeur promena sur lui un regard réfléchi, profond, à projet.

Mais, à travers la fumée de charbon de terre qui nous aveugle, nous suffoque, et que tous ces êtres étourdis, abrutis, ivres, aspirent avec contentement, sans oublier M. Rabble qui en fumerait toute une mine sans nausées, nous distinguons confusément trois individus qui entrent : deux hommes et une femme. Celle-ci tient entre ses dents ébréchées une pipe noire et suintante, et laisse après elle comme un pyroscaphe, une colonne de fumée. L’odeur du tabac chez ces individus, est comme les parfums dans le monde : elle annonce les femmes.