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le vampire.

barbe drue et rousse, croissait à volonté sur ses joues laissées en jachère. Physionomie hideuse, de ces têtes qui vous effraient, car, elles disent l’immondicité du gouffre où l’homme peut tomber. Le sceau du vice et toutes ses léprosités ignobles et purulentes ricanaient d’un sérieux atroce sur ce visage allumé d’une ivresse inerte. Son habit noir trop étroit, ayant des crevés aux coudes et des lambeaux aux poignets, laissait à nu une poitrine ossue et couverte de villosités plantureuses, semblable à une peau de bique. Son pantalon, luisant comme si on l’eut verni, ne pouvait atteindre l’habit et descendait à peine ses extrémités effilées au-dessous des genoux. Les jambes et les pieds étaient nus.

Pander avait exécuté les ordres de Droll. Deux pots d’étain recevaient déjà les caresses du marin irlandais et de M. Rabble, le professeur de langues.

— Ah ! je me reconnais à ce liquide !… Vive La Tanière des Renards, et son bitter !…, savez-vous, M. le maître d’école…

— Professeur, monsieur !

— Comme il vous plaira. Pour un professeur, vous me faites l’effet d’avoir l’estomac pas mal cuirassé… Cela doit être doublé, cloué et chevillé en cuivre, comme La Coquette, mon dernier trois-mâts.

— Je bois cela comme du lait, comme une bavaroise.

— Une quoi ?… Vous parlez chinois maintenant.

— Je parle français ; une bavaroise est un mélange de lait et de sirop dont raffolent les Parisiens. Mais ce bitter de ce damné Pander me parait du velours sur l’estomac.

— Ah, ça, gueux de Pander, s’écria le loquace Droll,