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le vampire.

romancier, dans un coin de sa toile vermillonne ainsi nûment une scène sombre de cette comédie de la vie, où le mépris ricane victorieux, où l’insulte s’adresse au Créateur. Oui, il lui arrive, à l’homme du rêve et de la vie fictive, de plonger ses bras nus dans les fanges du vice, de troubler un moment des gaz fétides et des reptiles impurs ; il descend quelquefois avec courage dans l’égoût des basses scènes, et le vertige ne le saisit pas. C’est cet homme que vous voyez triste au milieu de l’ivresse, calme et froid dans l’orgie, pâle comme le Dante dans les cercles infernaux. Lui, seul, peut être fort pour sa raison. Car, de toutes les âmes agissantes de ce drame fantastique, il est l’unique spectateur ; lui, seul, doit en revenir !…

Dans le fond, par l’orifice d’une porte à coulisse ascendante, on distinguait confusément des ombres remuantes. Des bruits de brocs se faisaient entendre, mais aucune voix ne s’élevait. Dans la cave où nous nous trouvons, presque tous les compartiments cloisonnés étaient occupés par des hommes, par des femmes ; on y voyait même de vieilles jeunes filles. Chacun avait devant lui un broc en étain, et de fois à autre, buvait à même. Dans les tavernes de Londres, on ne connaît ni assiettes, ni verres.

Toutefois, La Tanière des Renards est un lieu tranquille, un établissement honnête, ainsi que l’indique un avis écrit sur la muraille près de la lampe : — Ici on ne boxe pas. — No boxing here.

Au milieu de tous ces buveurs immobiles, aux regards qui percent ou qui tombent, s’agite silencieuse une ombre haute. Un personnage dont les grands bras balancent comme des fléaux, dont la tête a toutes les