Page:Sorr - Le vampire, 1852.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
le vampire.

arrivait des États-Unis. On le nommait le docteur Nohé-Nahm. — Nohé-Nahm avait vingt-cinq ans, mais grâce à son visage imberbe on l’eût jugé plus jeune. Peu démonstratif, ses mouvements s’accomplissaient sans saccades, avec lenteur, et ses passions n’agissaient point au-dehors.

La dissimulation ne se lisait jamais sur sa physionomie ouverte ; peut-être même possédait-il l’art de voiler la feinte. Néanmoins, la facilité de ses mœurs, la ductilité de ses manières, le faisaient rechercher du monde. Il avait aimé Valérie, mais celle-ci par un caprice de femme lui avait préféré le jeune avocat. Cette défaite n’attiédit nullement la bonne cordialité des deux jeunes hommes, et même de part et d’autre, on l’entoura de tant de convenances qu’il n’en transpira rien hors de l’intimité du cercle. Il est vrai qu’il existe de fatals caractères sur lesquels influent terriblement un froissement d’orgueil, de ténébreux cerveaux qui réfléchissent jusqu’au dernier cri de douleur, jusqu’à l’extrême lancinement d’angoisse, une pensée torturante. Mais Nohé-Nahm ne paraissait avoir aucun rapport avec ces esprits malades.

Dans le cours de la soirée, il se trouva seul près de Mme Noirtier. La physionomie du jeune homme, comme toujours, s’offrait calme et inaltérée.

— Madame, — lui dit-il avec un sourire affectueux et doux, — mes vœux se réalisent : vous êtes heureuse.

— Est-ce avec franchise de cœur que vous me souhaitez le bonheur, monsieur ?…

— Madame, je n’ai aimé qu’une seule fois dans ma vie, et je n’ai pas été aimé. Je ne le mérite pas sans doute. Je suis courageux et prompt devant les décisions fortes. Mon cœur a été broyé et mon amour s’est éteint !…