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le vampire.

voir. Ce mélange suranné rend peut-être la chose plus bouffonne ; voilà l’avantage. Mais ce caquetage débouté, ce regard ignoblement malin, ce sourire qui se contorsionne comme un mécanisme dérangé, tout cet ensemble réfrigérant donne profondément à penser !… Hélas ! cette décrépitude, toutes ces mégères ont eu aussi leur jour de noces. Un jour, le bonheur est venu sourire à leur sourire, il a fait semblant d’écarter un voile, leur a montré une perspective magnifique, splendide de lumière, et leur a dit tout bas, au bruit d’un battement de cœur, c’est l’avenir !… Ainsi, de toutes ces joies, de tout ce futur de félicités, de ces heures d’ivresse, il ne reste que des rides, une forme rabougrie, un aspect répulsif. Pour tout souvenir, ces vieilles femmes n’ont plus qu’un sourire dans lequel on voit la désillusion, le doute apathique et morose ! Oui, ce vieux tableau dit bien la vérité !… C’est la vie dépouillée du rêve, le cœur appauvri d’amour, la chair inerte et sans désirs !… Oh ! loin des jeunes têtes cet appareil glacial, décrochez ces antiques tentures, ne montrez pas ainsi pour miroir à ceux qui croient encore ce passé éteint, ce mensonge qui ricane !…

À force de jouer ainsi la bonne intelligence dans le monde, les deux époux en vinrent, par un armistice secret, à presque conserver leur rôle dans l’intimité, Cela leur était d’autant moins pénible, qu’ils se rencontraient rarement seuls. Alors, comme deux acteurs qui rentrent ensemble dans la coulisse en finissant le refrain d’un couplet, ils continuaient encore de se sourire et de se parler le plus faussement possible. À tout prendre, ils avaient l’un et l’autre trop d’esprit pour affecter ainsi une physionomie inutile de mésintelligence, une aversion