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le vampire.

peut-être usé toutes ces jouissances !… Ainsi, je me suis complu à injecter la passion dans le sein d’une vierge ; car, plus puissant que le Méphistophélès, il m’est encore permis de feindre d’aimer. J’ai observé les gradations inchoatives de l’amour, mon cœur a tenaillé toutes les fibres de ce jeune cœur, j’étais envieux et irrité de ses extases ; mais aussi, les larmes, les perplexités, les désespoirs, oh ! ces angoisses palpitantes m’enivraient ! Oui, j’en ai déchiré beaucoup ainsi, de ces cœurs de jeune fille ; l’éclat de mon rire a dissipé bien des illusions rêveuses, et ces souvenirs m’enchantent !… Mais, moins heureux que les vampires qui pompent la vie chez les vivants, je n’ai pas senti le réveil de mon ame ! Dans les ivresses extatiques je suis resté sombre. J’ai cependant employé de violents révulsifs, de robustes stimulants, je me suis soumis à des galvanismes dilaniateurs ! Souvent, avant de m’élever dans le nimbe éthéré de ces chastes passions de jeunes enfants, je me plongeais dans les égouts fangeux de la décrépitude physique et des corruptions morales. Je me baignais dans le phlégéton du vice, j’arrachais à ma chair des jouissances infâmes, des sensations outrées. Puis, sortant de là, je me plaçais tout à coup sous l’haleine pure, devant le regard céleste d’un ange de jeunesse, d’amour et de foi, et je ne sentais rien !… Ah ! quand une fois le cœur est mort, c’est pour jamais ! Et, cependant, c’est ma créance, aimer une heure seulement, et cela me sauverait ! mais, non, je suis maudit, méchant ! Hélas ! si j’avais pu aimer, j’aurais été meilleur !… Meilleur !… c’est-à-dire obscur, malheureux, pauvre, l’humble cadet d’Edgard Mackinguss ! Il faut une bien grande vertu pour être bon, aujourd’hui.