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le vampire.

donc qu’il me plaise de me gaudir avec mon épouse, ainsi que le ferait peut-être mon tailleur, et que je vais inviter amis et voisins pour ce grand œuvre. Pas ainsi, madame, ce ne sont pas mes mœurs. Ah ! vous avez cru peut-être, qu’il s’étiolait d’amour, ce pauvre Horatio, qu’il rêvait chaque nuit d’Olivia ; ce bon Mackinguss, ce faiseur de soupirs, dont vous vous amusiez, dont riait cette affreuse guenuche, cette chevêche de nuit, qu’on nomme la Kockburns !… Ah ! ces rires, ces railleries bruissent encore à mes oreilles !… Mon sang colère se pousse dans mes veines ; c’est une cohue vengeresse que le feu talonne, une digue engloutissante qui s’avance. Ah ! vous n’avez pas reconnu celui qui s’approchait de vous !… Eh bien ! je rejette les branches de Mac-Duff, et je marche contre Mac-Beth ! Aimer !… vous avez cru que j’aimais !… Ah ! ah ! aimer, c’est un mot que j’ai rayé de mon cœur, madame. Aimer, c’est une faiblesse, un abaissement qui ne me convient pas. Mais un soupçon d’amour me ferait monter le rouge au visage !… Un amant qui soupire est à mes yeux comme un homme affamé qui n’a pas de pain. Or, je n’implore jamais, je ne tends jamais la main. Je connais votre caractère ; vous êtes de ces femmes, qui, vaniteuses de leur figure, de leur fortune, se font orgueil de manier les hommes comme girouettes, d’éteindre leur volonté, de disloquer leur énergie. Puis, lorsqu’assouplis de la sorte, vous les voyez à vos pieds, l’œil mort, le front vaincu, la bouche implorante, vous leur cinglez le cœur d’une parole bien acérée, d’un regard de fiel et de mépris, d’un rire barbare !… Et vous avez raison, car ces hommes sont lâches ! Moi, aussi, j’ai simulé l’idiotisme, j’ai joué l’abrutissement, j’ai senti, avec une