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le vampire.

est temps de proscrire et qu’il faut abandonner aux brasseurs placides qui chevauchent bénignement dans les sentiers herbeux d’une littérature lactescente. Barbets insupportables qui jappent de loin, sur le seuil de leur impuissance, à la mise en scène du roman moderne ; bâtissant eux-mêmes avec une patience de mosaïstes, des œuvres tièdes et écourtées ayant une chaumière et un bosquet pour tout décor, une jeune fille pâle et un jeune homme naïf et fataliste pour tout personnages.

Mais, revenons à notre toile, ce mot pris dans l’humble sens du tisserand. — Le soir, nombreuse et resplendissante compagnie était rassemblée dans les salons du duc. On remarquait Edgard Mackinguss, frère aîné d’Horatio, descendu de ses montagnes pour assister au mariage. Plus nous regardons cet homme, plus nous croyons revoir sa physionomie. Un souvenir vague nous dit qu’il est apparu déjà, dans quelque fond de scène, parmi nos personnages. Mais c’est une ressemblance tellement confuse que nous l’abandonnons. La suite des choses éclairera peut-être la nuit de notre mémoire. Edgard avait une de ces figures dont les yeux toujours errants autour ne vous regardent jamais en face. Bien qu’il n’eut que quarante ans, le derme de son visage avait l’apparence vieillotte. Son nez sec et maigre, percé de deux chantepleures étroites, ses yeux perdus dans des cavités en meurtrières, inspiraient la défiance. Cet homme parlait peu et n’engageait pas à la causerie, car sa conversation sobre devait se maintenir aride dans la réalité du chiffre. Il fuyait l’éclat des bougies, et quand la pénombre couvrait son visage, sa bouche serrée s’étirait en un sourire indéfinissable. La raillerie de ce person-