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le vampire.

d’un jour qu’un éclat, qu’un hazard a jetés hors de l’ombre, et chaque alinéa sera l’argument d’un drame. Ainsi, pour exemple, voici une feuille de la localité que je lisais tout-à-l’heure, le Glaneur. Il y a sous la rubrique de Montpellier un entrefilet de cinq lignes, et dans ces cinq lignes on trouverait peut-être cinq volumes d’histoire vraie.

— D’où l’on peut conclure, ajouta M. de Saint-Loubès, que le roman le plus exagéré devrait être le roman ennuyeux. Si j’étais romancier, je n’en ferais jamais d’autres.

— Toutefois, reprit Robert après avoir cherché dans le journal, je ne veux pas vous faire grâce des cinq lignes dont je vous ai parlé. Les voici : — « Des personnes mal informées, sans doute, ont répandu dans notre ville des versions diverses sur un très déplorable événement. Il est de notre devoir de rétablir les faits dans leur vérité exacte. M. le comte de B…… a eu une rencontre avec M. N……, jeune homme de vingt et un ans, élève de l’école polytechnique. Le combat a été fatal à M. N……

« La politique n’était pour rien dans la cause de ce duel. »

Ainsi, voilà une relation de mort que bien des personnes ont lue indifféremment ; quelques femmes peut-être, ont accordé une pensée de commisération pour la victime, puis, le journal posé, le fait a été oublié. Et, cependant, autour du cadavre il y a une famille en deuil, une mère éplorée, des décombres d’espérances, toutes les fois en l’avenir écroulées !…

— Certes, monsieur, en prenant ce fait pour exemple, vous avez été justement inspiré. Il existe en effet un grand drame dans cet événement, un drame des plus étranges,