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le vampire.

la porte. En Angleterre, quelle que soit la régularité des mœurs d’un individu, si l’on s’aperçoit d’un dérangement extraordinaire en lui, on se dit aussitôt tout naturellement : Monsieur est ivre.

On porta donc monsieur dans son lit, on lui prépara du thé, et tout fut dit jusqu’au matin.

Le lendemain, le docteur qui le vit déclara aussitôt qu’il était sous le coup d’une ablepsie complète. Puis, convaincu que cette altération des facultés intellectuelles ne provenait que d’une action physique, il le traita d’après ce système.

À l’heure où nous entrons chez le malade, un homme était assis à son chevet. Son regard froid reposait sur le jeune homme étendu sur la couche. Sir Amadeus, nonobstant quelques légers spasmes, paraissait calme ; seulement errait sur ses lèvres une mussitation continuelle ; on aurait dit qu’il conversait avec un être invisible, le fantôme des rêves enfiévrés. Il ne dormait pas. Son œil atone se tenait ouvert, ses paupières immobiles. Cependant, sa main s’agita et vint retomber sur la partie inclinée de la couche. Une autre main la saisit.

— Eh bien ! Amadeus, comment cela va-t-il ? demanda celui qui le veillait de ce ton indifférent que l’on adresse à un homme en santé ordinaire.

— J’ai entendu une voix… On parle donc dans la tombe… Qui est là ?…

— Un de vos amis.

— Oui, en terre on a des amis, ah ! ah !… Et un rire lent, faible et insensé vint bruire sur ses lèvres pâlies.

— Je suis lord Mackinguss.

— Je ne vous connais pas.