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le vampire.

Le duc professait la religion catholique comme ses ancêtres avant la venue de ce farouche John Knox, qui prêchait l’Évangile en faisant assassiner des cardinaux et des prêtres, et en plongeant dans les fleuves les statues de la Vierge, avec des plaisanteries d’un esprit très réformé ; apostat qui, en place de cœur, avait une Bible. Homme aux yeux arides, qui vit sans émotion dans le palais d’Holyrood, une reine à ses pieds, qui sentit sur ses mains froides des larmes de femme et qui n’eut pas pitié !…

La physionomie du vieillard se rasséréna tout à coup, et, la prière, imploration jamais repoussée, vint lui apporter ce soulagement si puissant dans le malheur. Après avoir prié il se leva calme ; il se dirigea vers le fond de l’appartement, et écarta un rideau de soie qui descendait sur la tapisserie ; un portrait fut à découvert. Cette toile représentait une pâle jeune fille, à l’expression triste et aimante. Devant cette peinture, art qui fait sentir par la vue comme la littérature fait voir par le sentiment, le vieillard repleura, mais sa bouche se dessinait souriante.

— Ophélia, ma pauvre enfant, pourquoi m’as-tu quitté !… Moi, ton vieux père, qui t’aurais pardonnée si tu es coupable… coupable !… Oh ! pardonne-moi de parler ainsi devant une tombe !… Tu es maintenant là-haut, dans les demeures réelles de nos rêves !… Ton ciel est si resplendissant qu’il écarte de tes yeux cette ombre infime où souffre ton pauvre père !… J’ai demandé à Dieu de m’envoyer la conviction de ton existence heureuse, et je sens qu’elle me gagne. Non, je n’écoute pas certains songes affreux, qui me représentent ton ombre flottant