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le vampire.

sait n’avait jamais amené avec elle cette intimité inquiète qui donne au cœur la délicatesse mimeuse de la sensitive. Il existait dans la vie quotidienne de la jeune fille, maintes formalités respectueuses auxquelles elle ne manquait jamais, pas plus qu’elle ne manquait de faire une prière le soir après s’être fait coiffer de nuit. Le vieux père recevait ces attentions, la plupart du temps, par l’entremise d’un valet, et les renvoyait de même.

Cependant le duc, poursuivi par les insomnies de la sénilité accroupies à son chevet, répandait parfois des larmes lentes. Chose triste et lamentable que des pleurs dans les yeux d’un vieillard !… Ses nuits sombres s’éclairaient-elles du reflet d’une affection éteinte ?… Sentait-il dans un faible épanouissement de l’âme le ressouvenir d’un parfum perdu ?… Son oreille bruissante encore d’un son connu, distinguait-elle dans la plainte du vent un soupir ?… Dans les ombres de la nuit son œil trompé ne construisait-il point un informe fantôme ?… Souvent ses rêves le transportaient au milieu de sites sauvages, sur des rochers abruptes, et, il voyait des torrents, entendait les roulements des cataractes de la Findhorn, puis la chute d’une pâle apparition qui se perdait dans la blanche écume des ondes dévalantes. Alors il s’éveillait en sursaut, haletant, et les pleurs continuaient son rêve.

Mais cette nuit, ce n’était plus l’homme abattu par l’âge et les douleurs, le vieillard indifférent aux choses de la vie et vivant des jours passés comme ces peuples polaires qui s’éclairent d’aurores boréales. Il semblait avoir rejeté le poids de l’âge et s’être grandi. Son œil, presque toujours éteint, se raidissait dans une fixité sau-