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le vampire.

poursuivi, ce n’était pas un rêve épouvantable, mais bien une réalité surnaturelle, infernale, qui agissait sur lui. Devant cette angoisse tortionnaire, en face de ce visage décomposé par l’agonie de l’intelligence, Robert subit, lui aussi, un éclair de vertige. C’était son image, c’était lui qui se débattait ainsi au milieu du délire qui plonge dans l’abime de la folie. Il eut peur et pâlit à son tour. Mais son bras fut saisi par une main d’acier ; un mot tomba dans son oreille comme une goutte de plomb liquide dans une eau froide, et il frémit à cette pression violente, et il se redressa galvanisé par cette parole mystérieuse.

Amadeus fuyait toujours, mais sa course était saccadée, irrégulière ; il vacillait, pareil à un homme ivre, et n’en pouvait plus. Parfois, il s’arrêtait pour ressaisir peut-être une lueur dans l’obscurité de son intelligence, et alors bruissait à son oreille la parole sépulcrale et morte du vampire, répétant sans varier sa voix.

— Ta raison, ta raison !… elle t’abandonne…, elle vient toute à moi…, ta raison, ta raison !…

Le ton de cet homme pénétrait jusqu’au fond du cerveau du pauvre insensé et y bruissait sonore comme dans le vide. Il fermait ses yeux hallucinés, il bouchait ses oreilles bourdonnantes, et il voyait toujours son image, et il entendait toujours cette parole avide : Ta raison, ta raison !…

Épuisé, presque mort d’effroi, il tomba inerte dans l’enfoncement d’une porte profonde. Ses yeux s’ouvrirent atones ; il regarda un moment Robert et lui dit avec un rire qui se prolongea comme une note qui s’éteint longtemps :