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le vampire.

— Un vampire !…

— Oui, qui veut vivre comme toi, aimer comme toi… Je suis Léwis, ton frère mort !… Chaque nuit je sors de ma tombe.

— Tu veux ma vie !…

— Qu’en ferais-je !… Non, ce n’est point pour puiser de la vie chez les vivants que je sors… les morts ne veulent pas vivre.

— Léwis, si c’est ton ombre qui me poursuit, grâce ! aie pitié de ton frère !…

— Un vampire n’a jamais pitié… Amadeus, ne crains rien, je ne veux pas ton sang !

Cette voix parvenait aux oreilles troublées d’Amadeus, monotone et sans inflexion vivante. Pendant ces paroles, les deux hommes marchaient toujours.

— Tu ne veux pas mon sang !… que me veux-tu donc, alors ?…

Robert se pencha davantage vers le jeune homme ; son regard magnétique sembla pénétrer dans son cerveau ébranlé, et il dit d’une voix lente et comme opérant une œuvre réelle :

— Je veux ta raison !

— Ma raison !… se récria le malheureux poursuivi en couvrant son front de ses mains comme pour le défendre de toute atteinte.

— Oui, ta raison, ta raison !… Je la sens pénétrer en moi… elle m’anime… m’éclaire !… Oui, oui, je te la prends, je te la prends… Ne sens-tu pas qu’elle te quitte ?

Hélas ! en effet, le cerveau du pauvre Amadeus était bien malade. Sa raison, troublée déjà fortement, faiblissait sous cette torture morale. Pour le malheureux, ainsi