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le vampire.

ment, le monde prosaïque d’aujourd’hui…… Mais, vous ne me comprendrez jamais !…

— Pardonnez-nous, vicomte. Si bien qu’on ne peut mieux formuler votre idée qu’en disant que vous vous faites prosaïque afin de ne pas l’être.

— Bravo. Ainsi lorsqu’il m’arrive de commettre une action inordinaire, eh ! mon Dieu ! lâchons le mot, bien qu’il soit mort, romantique……

— Romanesque n’est pas si vieux.

— Aussi les bourgeois l’emploient. Conséquence de mon système.

— C’est très vrai.

— Eh bien, lorsque je tombe dans cette faute, j’en suis tout contusionné. Je vous demande donc bien pardon de vous avouer que ma chaise de poste s’est brisée à deux lieues d’ici !… Hélas ! oui, comme dans un roman de Ducray-Duménil, ou dans un drame de M. de Pixéricourt !…

— Et pour comble de prosaïsme vous ne vous êtes rien cassé !…

— Pas une foulure !…

— Pauvre vicomte !…

— Ce qui me console, cependant…

— Ah ! voyons !…

— Oui, ce qui adoucit ma situation, c’est que le lieu où ma voiture s’est rompue est un affreux endroit, sans paysage, sans couleur. Le bon du ridicule des bourgeois à qui pareille sotte aventure échoit, c’est qu’ils tombent dans des gorges effondrées, rebondissent sur des anfractuosités de roches. Heureusement, en ce qui me regarde, c’est sur la belle route.