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le vampire.

d’opposer dans la causerie discutante une ductilité de caractère qu’on ne saurait trop apprécier,

Je crois, maintenant, qu’il serait surabondant de parler de ses tendances morales et politiques, de sonder ses convictions et ses principes, en un mot, de faire de la psychologie à son sujet.

M. de Saint-Loubès se mettait bien. Il portait des pantalons d’une étricité de bon goût, des bottes vernies souples et plissées, des habits amples. Encore, inscrivons qu’il avait de grands yeux à fluide, de belles dents et des moustaches à la Molière.

— Messieurs, fit le vicomte sur un ton de réserve étrange, je me trouve ici par des circonstances si malheureuses, que je suis honteux de vous les révéler. Lorsqu’il m’a fallu forcément en faire part au maître de ce caravansérail grotesque, j’ai craint que l’on ne me rit au nez. Mais d’abord, il faut vous dire une chose. Je suis ennemi du vulgaire, et je m’astreins autant qu’il est possible en moi de m’affranchir des lois générales sur lesquelles végète le commun du prochain. Mon antipathie c’est le prosaïsme.

— Mais, monsieur, observa Horatio, permettez-moi de croire que tous les trois nous professons la même répulsion.

— C’est très bien mais avez-vous remarqué que depuis quelque vingt ans, les choses ont bien changé dans le monde prosaïque. Certains hommes d’esprit l’ont montré du doigt ; aussitôt la foule l’a fui. De sorte que la vie privilégiée, indépendante du lourd ridicule, ce cercle artiste d’autrefois, est devenu, par l’envahisse-