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le vampire.

Horatio comptait sur cet homme comme sur lui-même, mais il ne l’avait jamais compris. Il existait entre eux, surtout de la part du chef, une réserve contrainte lorsqu’ils se trouvaient ensemble. Souvent, le regard magnétique du maître tourmenta la surface de cette ame mystérieuse, fouilla les ombres profondes de cet esprit sinueux, tenailla les angles de ce caractère inconnu, mais vainement. De tout ce qu’il avait voulu vaincre, l’intérieur seul de cet homme s’était maintenu obscur. Toutefois, ce qu’il avait tenté sur son subalterne, celui-ci ne l’avait point essayé sur son supérieur, et il était envers Lodore ce qu’il était pour tous, — une énigme. Lodore était le corps inerte qui arrête le rayon, mais sans le faire refluer.

— Sir Robert, je vous annonce votre barbier.

Sur le seuil de la porte se tenait une ombre noire portant une figure d’une immobilité automatique. Ses jambes étaient si grêles et ses pieds si longs, qu’on aurait dit un buste de mannequin en habit noir, supporté par deux faulx. Dans le plus grand silence, le barbier commença son œuvre. Sir James, en face, flegmatiquement étendu sur un sopha, les mains réunies sur le ventre, et ses deux pouces faisant le moulinet, le regardait avec gravité. Lodore, debout, les bras croisés, était appuyé contre un meuble. Le rasoir seul agissait.

Mais le barbier, presque sans mouvement, tout à fait sans bruit, disparut. Il fut aussitôt remplacé par un valet de chambre tout aussi diaphane et silencieux. Ce dernier s’empara de Rolleboise et commença sa toilette.

— Mais, ce ne sont pas des bottes que vous me mettez