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le vampire.

— Ainsi, continua le jeune homme, je n’épouserai pas la personne que vous m’avez nommée.

— Très bien, sir Robert.

— Parce que c’est une fille entretenue !…

— Fort bien, sir Robert ; nous ne vous contrarierons nullement ; et même, afin de rompre ce mariage, nous irons ce soir à Covent-Garden. De plus, je vous promets que nous quitterons la salle avant le public du parterre et des loges vertigineuses… ; et, surtout, avant les horse-guards.

La porte de la chambre s’ouvrit. Un personnage qui nous est inconnu entra.

— J’ai l’honneur de saluer monsieur de Rolleboise, fit-il froidement.

— Je suis votre serviteur, lord Lodore.

Lord Lodore occupait auprès du jeune français les mêmes fonctions que sir James Cawdor, mais, par le caractère, c’était un personnage tout à fait différent. Cet homme avait un aspect étrange : il était grand, grêle et maigre. Tout son vêtement était noir, et son habit toujours boutonné ne laissait percer aucune trace de linge. Ses cheveux, d’un blond pâle, rares et fins, fuyaient en arrière, laissant à découvert toute sa face blême, ossue et nue. Ses yeux creux, d’un vert de mer, demeuraient immobiles dans une fixité pesante. Son nez court et caracoïde, sa bouche pâle et sans lèvres annonçaient un homme de mœurs mystérieuses et même barbares. En un mot, il portait une de ces physionomies qui se bouleversent dans les accès de passion, deviennent effrayantes quand le fouet d’un sentiment brutal les flagelle.