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le vampire.

Mais je ne veux pas vous en parler, car vos railleries n’y sont pas un remède.

— Toujours vos craintes imaginaires !… Vous allez devenir bientôt plus triste qu’un poète de comté qui soupire tous les soirs un sonnet à la lune. Rassurez-vous, Amadeus, ces appréhensions fictives s’en iront avec les années.

— Je ne crois pas aux années ! ajouta le jeune homme en appuyant sa tête dans ses mains.

— Pressentiments affectés !… railla la jeune fille, — ma tante de Kockburns, non plus, ne croyait pas aux années lorsque son âme se trouvait en peine d’un élégant secrétaire intime de George Canning, qu’elle aperçut la première fois dans les salles de Westminster, à la dernière audience du procès de Warren-Hastings. Maintenant elle croit aux centenaires. Toujours même folie !…

— Ma maladie est là, reprit le jeune homme en se frappant le front. Les événements dont l’existence humaine est hérissée m’effraient. Je ne saurais trop les redouter, non pour ma vie, mais pour ma raison.

— Pour vous guérir de ce sentiment de faiblesse morale, il faudrait vous abandonner tout entier à une volonté amie et vigilante.

— C’est un renoncement bien pénible, mademoiselle ?… Cependant, je ne repousserais pas une main de femme qui me ferait signe de m’appuyer sur elle.

— Oui, Amadeus, dans ce sentier où le vertige vous gagne, fiez-vous aux traces d’un guide fidèle.

— Fidèle !… murmura le jeune homme en portant un regard amer sur la jeune personne. C’est un mot bien présomptueux dans la bouche d’un homme !… Car, miss