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le vampire.

en un ample bonnet en laine noire auquel s’adaptait, comme un auvent sur une porte, une vaste visière en drap vert, projetant son ombre sur tout le visage, La figure de cet homme n’était pas ridée, mais sa peau sèche et tendue jaunissait sur ses os saillants comme un cuir de Cordoue cloué au séchoir. Quand la porte s’ouvrit, cette tête de vieillard se souleva lentement de dessus le livre, et deux yeux petits et luisants dardèrent leurs rayons dans l’ombre.

— Tu le vois, Antarès, je ne t’ai pas fait attendre, dit le jeune homme en s’asseyant sur un siège du siècle de Shakespeare. Il posa son chapeau sur la table. Ses cheveux abondants étaient partagés sur la tête comme chez une femme.

— Olivia, je suis toujours à vos ordres, répondit cet homme sans se mouvoir et immobile comme un sphinx. Puis il reprit sur un ton de sèche raillerie : — Le duc est en bonne santé ?… Ces vieux hommes de guerre vivent toujours leur siècle.

— Écoute, juif, je te défends de me parler de mon père. Si je suis venue ici, c’est à moi à dire et à toi d’écouter. Il faudra bien que je déterre un jour, dans les cloaques de Saint-Gilles, un juif plus mécréant, pour me défaire d’Antarès.

— Ne raillez pas de la sorte, Olivia. Vous êtes venue, je vous écoute.

— Antarès, je viens te parler d’affaires de cœur.

— Ah ! ah !… le cœur, Olivia !… Parlez-moi sur le talmud, posez-moi une difficulté hébraïque ; mais le cœur est une langue que je ne parle pas.

— Je veux causer avec toi de deux hommes.