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le vampire.

fiévreuse, simplement pour satisfaire à cette loi bizarre qui porte tout étranger à exagérer l’esprit de sa nation.

Dix heures à Londres est donc un point de la soirée bien plus avancé dans la nuit, qu’une heure du matin à Paris. Les magasins fermés depuis longtemps ne donnent plus lueur de lumière, et les théâtres vont bientôt rendre au sommeil une population tout ahurie de s’être laissé prendre pendant quatre heures aux fantasques séductions de l’art.

Dix heures ainsi venaient de sonner à toutes les horloges du quartier, lorsqu’un jeune homme paraissant venir de la direction du Théâtre de la Reine, franchissait le dangereux passage pour les piétons, qui mène, par Charing-Cross, de Pall-Mall au Strand. À Londres les voitures vont très vite et ne sont jamais éclairées. Il faut donc du courage pour s’aventurer dans les ténèbres et la boue du carrefour de Charing-Cross.

Quand l’individu que nous avons déjà aperçu indécis, sur le trottoir de White-Hall, fut parvenu dans le Strand, il fit signe à un cocher qui dormait auprès, et monta dans son cab.

— Corbets lane ! lui cria-t-il d’une voix d’une gracilité singulière.

— Oui, monsieur, répondit avec assurance le cocher, en rassemblant dans sa main ses longues guides, qui passaient par dessus la capote du cabriolet, et en se disposant à son aise sur son siège élevé.

Le cheval partit au grand trot. Arrivé sous les portes de Fleet-Street, le cocher abandonna son coursier à son allure, et ouvrant le vasistas supérieur de la voiture, il tapa avec respect sur le chapeau du jeune homme.