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peuvent pas se montrer trop récalcitrants lorsque certaines choses sont demandées par des personnes occupant une haute situation dans le pays. Les conciliateurs mettent tout leur amour-propre à réussir et ils seraient extrêmement froissés si les chefs d’industrie les empêchaient de faire de la paix sociale. Les ouvriers sont dans une posture plus favorable, parce que le prestige des pacificateurs est bien moindre auprès d’eux qu’auprès des capitalistes : ces derniers cèdent donc beaucoup plus facilement que les ouvriers pour permettre aux bonnes âmes d’avoir la gloire de terminer le conflit. On observe que ces procédés ne réussissent que rarement quand l’affaire est entre les mains d’anciens ouvriers enrichis : les considérations littéraires, morales ou sociologiques touchent fort peu les gens qui ne sont pas nés dans les rangs de la bourgeoisie.

Les personnes qui sont appelées à intervenir de cette manière, dans les conflits, sont induites en erreur par les observations qu’elles font sur certains secrétaires de syndicats, qu’elles trouvent beaucoup moins intransigeants qu’elles ne l’auraient cru et qui leur semblent mûrs pour comprendre la paix sociale. Au cours des séances de conciliation, plus d’un révolutionnaire dévoilant une âme d’aspirant à la petite bourgeoisie, il ne manque pas de gens très intelligents pour s’imaginer que les conceptions socialistes et révolutionnaires ne sont qu’un accident que pourraient écarter de meilleurs procédés à établir dans les rapports entre les classes. Ils croient que le monde ouvrier comprend, tout entier, l’économie sous l’aspect du devoir et se persuadent qu’un