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terrible insurrection du mois de juin et on était persuadé que la victoire des ouvriers parisiens aurait amené, sinon une mise en pratique du communisme, du moins de formidables réquisitions imposées aux riches en faveur des pauvres ; on espérait mettre un terme aux guerres civiles en rendant plus difficile la propagation de doctrines de haine, capables de soulever les prolétaires contre les bourgeois.

Aujourd’hui les socialistes parlementaires ne songent plus à l’insurrection ; s’ils en parlent encore parfois, c’est pour se donner un air d’importance ; ils enseignent que le bulletin de vote a remplacé le fusil ; mais le moyen de conquérir le pouvoir peut avoir changé sans que les sentiments soient modifiés. La littérature électorale semble inspirée des plus pures doctrines démagogiques : le socialisme s’adresse à tous les mécontents sans se préoccuper de savoir quelle place ils occupent dans le monde de la production ; dans une société aussi complexe que la nôtre et aussi sujette aux bouleversements d’ordre économique, il y a un nombre énorme de mécontents dans toutes les classes ; — c’est pourquoi on trouve souvent des socialistes là où l’on s’attendrait le moins à en rencontrer. Le socialisme parlementaire parle autant de langages qu’il a d’espèces de clientèles. Il s’adresse aux ouvriers, aux petits patrons, aux paysans ; en dépit d’Engels, il s’occupe des fermiers[1] ; tantôt il est

  1. Engels. La question agraire et le socialisme. Critique du programme du parti ouvrier français, traduit dans le Mouvement socialiste, 15 octobre 1900, p. 453. On a signalé, maintes fois, des candidats socialistes ayant des