Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sabilités, calcule l’équivalence qui doit exister entre le crime et l’expiation, remonte aux fautes primitives qui ont engendré en Russie une suite de violences ; tout cela, c’est de la philosophie de l’histoire suivant les plus purs principes du maquis corse : c’est une psychologie de la vendetta. Enlevé par le lyrisme de son sujet, Lucien Herr conclut en style de prophète : « Et la bataille se poursuivra ainsi, dans les souffrances et dans le sang, abominable et odieuse, jusqu’au jour inéluctable, au jour prochain où le trône lui-même, le trône meurtrier, le trône amonceleur de crimes, s’écroulera dans la fosse aujourd’hui creusée. » Cette prophétie ne s’est pas réalisée ; mais c’est le vrai caractère des grandes prophéties de ne jamais se réaliser : le trône meurtrier est beaucoup plus solide que la caisse de l’Humanité. Et d’ailleurs, après tout, qu’est-ce que tout cela nous apprend ?


L’historien n’a pas à délivrer des prix de vertu, à proposer des projets de statues, à établir un catéchisme quelconque ; son rôle est de comprendre ce qu’il y a de moins individuel dans les événements ; les questions qui intéressent les chroniqueurs et passionnent les romanciers sont celles qu’il laisse le plus volontiers de côté. Il ne s’agit pas ici de justifier les violents, mais de savoir quel rôle appartient à la violence des masses ouvrières dans le socialisme contemporain.

Il me semble que beaucoup de socialistes se posent très mal la question de la violence ; j’en ai pour preuve un article publié dans le Socialiste du 21 octobre 1905, par Rappoport : l’auteur, qui a écrit un livre sur la philo-