Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/402

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV


Aux yeux d’un très grand nombre de catholiques français, l’Église devrait abandonner ses anciennes thèses absolues aux loisirs des cuistres de collège. Ceux-ci qui connaissent seulement le monde par ce qu’en disent de vieux bouquins, ne pourront jamais arriver à comprendre comment fonctionne la société moderne ; il faut donc que des hommes dépourvus de préjugés s’appliquent à observer avec soin les phénomènes de la vie contemporaine ; l’Église gagnerait beaucoup à écouter les conseils de personnes qui ont le sentiment du convenable et du possible. On se résoudrait a remplacer la thèse par l’hypothèse, en faisant toutes les concessions qui sont nécessaires pour tirer le moins mauvais parti des conditions détestables au milieu desquelles doit vivre le catholicisme désormais.

On assure que cette politique d’extrême prudence est fondée sur les plus hautes considérations de philosophie scientifique. Le public catholique est presque toujours fort en retard sur le public profane[1] ; il adopte, comme des nouveautés très importantes, des modes qui commencent à passer ; le clergé est ainsi devenu, depuis quelques années, prodigieusement passionné pour la Science, au

  1. Huysmans assure qu’au « point de vue de la compréhension de l’art, le public catholique est à cent pieds au-dessous du public profane » (La cathédrale, p. 19). CeUc infériorité n’est pas limitée à l’art !