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ont conduit à examiner le passé sous un point de vue bien différent de celui qui avait été adopté par les anciens théoriciens ; on a vu que les conflits avaient été trop fréquents, à toutes les époques, pour qu’il fût possible de les regarder comme des faits abusifs ; il convenait plutôt de les assimiler aux guerres qui éclatèrent si souvent entre les puissances indépendantes qui se disputèrent l’hégémonie d’une partie de l’Europe.

Les auteurs ecclésiastiques, attribuant une importance capitale à l’éducation des consciences princières pour obtenir l’harmonie, rattachaient autrefois les conflits à des origines morales : l’orgueil des souverains, la cupidité des grands, la jalousie mesquine, méchante et parfois impie des légistes. Les savants du xixe siècle ont introduit la règle d’expliquer les grandes choses seulement par de grandes causes ; on a trouvé, dès lors, ridicules les anciennes controverses des casuistes-historiens ; les luttes politico-ecclésiastiques ont été regardées comme ayant été motivées par des raisons du même ordre que celles qui permettent de comprendre les grandes guerres européennes.

Les travaux faits sur le Moyen Age par les apologistes de la papauté ont beaucoup contribué à confirmer cette interprétation. Voulant défendre les papes contre les gens qui avaient si souvent dénoncé leurs ambitions insatiables, beaucoup de catholiques se mirent à écrire l’histoire des querelles du Sacerdoce et de l’Empire dans un esprit guelfe. Ils soutinrent que les souverains pontifes avaient rendu d’immenses services à la civilisation en défendant les libertés italiennes contre le despotisme germanique. Cette manière toute politique de présenter