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nir une puissance militaire, analogue au califat musulman ; cela ne tient pas seulement aux doctrines des très anciens Pères[1], mais encore à ce que Théodose créa un système de gouvernement qui est demeuré « le rêve éternel de la conscience chrétienne, au moins, dans les pays romans » ; Renan a raison de dire que l’empire chrétien a été « la chose que l’Église, dans sa longue vie, a le plus aimée »[2]. Durant le Moyen Age la papauté essaya de réaliser de grandes entreprises qui auraient été faciles avec la collaboration d’un Théodose et qui présentaient des difficultés inouïes en employant des forces groupées accidentellement sous son patronage ; les croisades, l’inquisition, les guerres italiennes nous montrent de bien médiocres résultats obtenus au moyen d’efforts désespérés ; cette expérience apporta la meilleure preuve qu’on pût désirer en faveur du système théodosien.


Les théologiens n’arrivent donc ni à l’unité, ni à une parfaite indépendance des deux pouvoirs ; ils rêvent une harmonie qui ne leur semble pas très difficile à obtenir, parce qu’ils se fient beaucoup plus aux raisonnements qui leur permettent de dire ce qui devrait exister, qu’à l’observation des faits. Les hommes auraient quelque

  1. Grégoire VII s’inspirait de très anciennes conceptions chrétiennes quand il dénonçait le pouvoir des princes comme ayant eu à l’origine un caractère de brigandage, qui permettait de le rattacher à l’action du diable « prince du monde » (Flach, Les origines de l’ancienne France, tome III, p. 297).
  2. Renan, op. cit., p. 621 et pp. 624 625.