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forment entre eux ; il suit ainsi une méthode très bonne, car il emploie des parties relativement assez claires de la connaissance pour faire entendre l’organisation de parties extrêmement obscures[1] ; mais il ne se doute pas un instant de la nature du travail auquel il se livre. Trompé par la doctrine des sociologues qui prétendent enseigner quelque chose de plus relevé que la biologie, il imagine que des recherches sur les colonies animales sont propres à fournir des bases à une science sociale destinée « à nous permettre de prévoir l’avenir de nos sociétés, d’en régler l’ordonnance et de justifier les contrats sur lesquels elles reposent »[2].

Après avoir utilisé, pour obtenir de bonnes descriptions biologiques, les abondantes ressources que nous fournissent les groupes humains, a-t-on le droit de reporter, comme font les sociologues, dans la philosophie sociale des formules qui avaient été construites au moyen d’observations faites sur les hommes, mais qui. au cours de leur adaptation aux besoins de l’histoire naturelle, ne sont évidemment pas sans avoir subi quelques modifications ? Pour pouvoir être convenablement appliquées aux

  1. Cournot observe, contre A. Comte, qu’il « n’y a rien de plus clair pour l’esprit humain, rien qui impose moins la surcharge d’un nouveau mystère, d’une nouvelle donnée irréductible, que l’explication du mécanisme social. Qui ne voit, dit-il, qu’en passant des phénomènes de la vie aux faits sociaux, on est en train de passer d’une région relativement obscure à une région relativement éclairée ? » (Matérialisme, vitalisme, rationalisme. p. 172).
  2. Edmond Perrier, Colonies animales, p. xxxii.