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analogies socio-biologiques présentent l’idée d’unité avec une insistance singulière ; on ne peut, en effet, étudier les grands animaux sans être frappé de l'état d’extrême dépendance dans lequel sont les parties par rapport à tout le corps vivant. Cette liaison est même tellement étroite que beaucoup de savants crurent longtemps qu’il serait impossible d’appliquer à la physiologie les méthodes qui réussissaient si bien en physique ; l’unité naturelle se trouverait, pensaient-ils, compromise par les dispositifs artificiels de l’expérimentation, en sorte qu’on observerait seulement un être malade, analogue à ceux qui sont ruinés par des néoplasmes[1].

Il n’est pas nécessaire d’être un très profond philosophe pour s’apercevoir que le langage nous trompe constamment sur la véritable nature des rapports qui existent entre les choses. Bien souvent, avant de s’engager dans la critique dogmatique d’un système, il y aurait un très réel avantage à rechercher quelles sont les origines des images qui s’y rencontrent d’une manière fréquente. Dans le cas actuel, il est évident que les analogies sociobiologiques montrent la réalité au rebours de ce qu’elle est. Qu’on lise, par exemple, le livre fameux d’Edmond Perrier sur les Colonies animales : ce savant arrive à rendre convenablement intelligibles les phénomènes mystérieux qu’il veut décrire, en employant des images empruntées aux associations si variées que les hommes

  1. Les physiologistes s’arrangent pour que leurs expériences ne troublent pas le cours régulier des phénomènes d’une manière telle que l'animal puisse être assimilé à un malade.