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sommes parfaitement d’accord sur tout cela ; et c’est justement ce caractère (effrayant pour les socialistes parlementaires, financiers et idéologues) qui donne une portée morale si extraordinaire à la notion de la grève générale.

On accuse les partisans de la grève générale d’avoir des tendances anarchistes ; on observe, en effet, que les anarchistes sont entrés en grand nombre dans les syndicats depuis quelques années et qu’ils ont beaucoup travaillé à développer des tendances favorables à la grève générale. Ce mouvement s’explique de lui-même, en se reportant aux explications précédentes ; car la grève générale, tout comme les guerres de la liberté, est la manifestation la plus éclatante de la force individualiste dans des masses soulevées. Il me semble, au surplus, que les socialistes officiels feraient aussi bien de ne pas tant insister sur ce point ; car ils s’exposent ainsi à provoquer des réflexions qui ne seraient pas à leur avantage. On serait amené, en effet, à se demander si nos socialistes officiels, avec leur passion pour la discipline et leur confiance infinie dans le génie des chefs, ne sont pas les plus authentiques héritiers des armées royales, tandis que les anarchistes et les partisans de la grève générale représenteraient aujourd’hui l’esprit des guerriers révolutionnaires qui rossèrent, si copieusement et contre toutes les règles de l’art, les belles armées de la coalition. Je comprends que les socialistes homologués, contrôlés et dûment patentés par les administrateurs de l’Humanité aient peu de goût pour les héros de Fleurus, qui étaient fort mal habillés et qui auraient fait mauvaise figure dans les salons des grands financiers ; mais tout le monde ne