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remarquables des soldats qui firent les guerres de la Liberté, celles qu’engendre la propagande faite en faveur de la grève générale et celles que l’on doit réclamer d’un travailleur libre dans une société hautement progressive. Je crois que ces analogies constituent une preuve nouvelle (et peut-être décisive) en faveur du syndicalisme révolutionnaire.

Pendant les guerres de la liberté, chaque soldat se considérait comme étant un personnage ayant à faire quelque chose de très important dans la bataille, au lieu de se regarder comme étant seulement une pièce dans un mécanisme militaire confié à la direction souveraine d’un maître. Dans la littérature de ces temps, on est frappé de voir opposer constamment les hommes libres des armées républicaines aux automates des armées royales ; ce n’étaient point des figures de rhétorique que maniaient les écrivains français ; j’ai pu me convaincre, par une étude approfondie et personnelle d’une guerre de ce temps, que ces termes correspondaient parfaitement aux véritables sentiments du soldat.

Les batailles ne pouvaient donc plus être assimilées à des jeux d’échec dans lesquels l’homme est comparable à un pion ; elles devenaient des accumulations d’exploits héroïques, accomplis par des individus qui puisaient dans leur enthousiasme les motifs de leur conduite. La littérature révolutionnaire n’est pas totalement mensongère lorsqu’elle rapporte un si grand nombre de mots grandiloquents qui auraient été lancés par des combattants ; sans doute, aucune de ces phrases ne fut énoncée par les gens auxquels on les attribua ; la forme est due à des hommes de lettres habitués à manier la déclama-