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passifs qui n’ont pas besoin de penser. Le syndicalisme révolutionnaire serait impossible si le monde ouvrier devait avoir une telle morale de faibles ; le socialisme d’État s’en accommoderait parfaitement, au contraire, puisqu’il est fondé sur la division de la société en une classe de producteurs et une classe de penseurs appliquant à la production les données de la science. La seule différence qui existerait entre ce prétendu socialisme et le capitalisme consisterait dans l’emploi de procédés plus ingénieux pour se procurer une discipline dans l’atelier.

Les moralistes officiels du Bloc travaillent, à l’heure actuelle, à créer des moyens de gouvernement moral qui remplaceraient la vague religion que G. de Molinari croit nécessaire au capitalisme. Il est très évident, en effet, que la religion perd chaque jour son efficacité dans le peuple ; il faut trouver autre chose, si l’on veut donner aux intellectuels le moyen de continuer à vivre en marge de la production.


IV


Le problème que nous allons maintenant chercher à résoudre est le plus difficile de tous ceux que puisse aborder l’écrivain socialiste ; nous allons nous demander comment il est possible de concevoir le passage des hommes d’aujourd’hui à l’état de producteurs libres travaillant dans un atelier débarrassé de maîtres. Il faut bien préciser la question ; nous ne la posons point pour le monde devenu socialiste, mais seulement