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naux à des tribunaux d’arbitrage ; ce serait une laïcisation de l’ancienne mythologie[1].

Les partisans du droit naturel ne sont pas des adversaires irréductibles des luttes civiles, ni surtout des manifestations tumultueuses ; on l’a vu suffisamment au cours de l’affaire Dreyfus. Quand la force publique est entre les mains de leurs adversaires, ils admettent assez volontiers qu’elle est employée à violer la justice, et alors ils prouvent qu’on peut sortir de la légalité pour rentrer dans le droit (selon une formule des bonapartistes) ; ils cherchent à intimider, tout au moins, le gouvernement lorsqu’ils ne peuvent songer à le renverser. Mais quand ils combattent ainsi les détenteurs de la force publique, ils ne désirent nullement supprimer celle-ci ; car ils ont le désir de l’utiliser à leur profit quelque jour ; toutes les perturbations révolutionnaires du xixe siècle se sont terminées par un renforcement de l’État.

La violence prolétarienne change l’aspect de tous les conflits au cours desquels on l’observe ; car elle nie la force organisée par la bourgeoisie, et prétend supprimer l’État qui en forme le noyau central. Dans de telles conditions il n’y a plus aucun moyen de raisonner sur les droits primordiaux des hommes ; c’est pourquoi nos socialistes parlementaires, qui sont des enfants de la bourgeoisie et qui ne savent rien en dehors de l’idéologie de l’État,

  1. Je ne puis arriver à trouver l’idée de l’arbitrage international dans le fragment 296 de Pascal, où quelques personnes le decouvrent : Pascal y signale simplement ce qu’a de ridicule la pretention qu’émettait de son temps chaque belligérant, dans son manifeste, de condamner, au nom du droit, la conduite de son adversaire.