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chercher le type de la force arrivée à un régime pleinement automatique et pouvant ainsi s’identifier naturellement avec le droit, — tandis que Pascal confond dans un même genre toutes les manifestations de la force[1].

Les changements que le droit subit au cours des temps avaient vivement frappé Pascal et ils continuent d’embarrasser fort les philosophes : un système social bien coordonné est détruit par une révolution et fait place à un autre système que l’on trouve également parfaitement raisonnable ; et ce qui était juste autrefois est devenu injuste. On n’a pas ménagé les sophismes pour prouver que la force avait été mise au service de la justice durant les révolutions ; maintes fois on a démontré que ces arguments sont absurdes ; mais le public ne peut se résoudre à les abandonner, tant il est habitué à croire au droit naturel !

Il n’y a pas jusqu’à la guerre qu’on n’ait voulu faire descendre sur le plan du droit naturel : on l’a assimilée à un procès dans lequel un peuple revendiquerait un droit méconnu par un voisin malfaisant. Nos pères admettaient volontiers que Dieu tranchait le différend, au cours des batailles, en faveur de celui qui avait raison ; le vaincu devait être traité comme le serait un mauvais plaideur : il devait payer les frais de la guerre et donner des garanties au vainqueur pour que celui-ci pût jouir en paix de ses droits restaurés. Aujourd’hui il ne manque pas de gens pour proposer de soumettre les conflits internatio-

  1. Cf. ce que je dis sur la force au chapitre V.