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ciants banqueroutiers et des notaires qui se retiraient ruinés après de médiocres catastrophes, alors que les princes de l’escroquerie financière continuaient à mener joyeuse vie. Peu à peu la nouvelle économie a créé une nouvelle indulgence extraordinaire pour tous les délits de ruse dans les pays de haut capitalisme[1].

Dans les pays où subsiste encore aujourd’hui l’ancienne économie familiale, parcimonieuse et ennemie de la spéculation, l’appréciation relative des actes de brutalité et des actes de ruse n’a pas suivi la même évolution qu’en Amérique, qu’en Angleterre, qu’en France ; c’est ainsi que l’Allemagne a conservé beaucoup d’usages de l’ancien temps[2] et qu’elle ne ressent point la même horreur que nous pour les punitions brutales ; celles-ci ne lui semblent point, comme à nous, propres aux classes les plus dangereuses.

Il n’a pas manqué de philosophes pour protester contre un tel adoucissement des jugements ; d’après ce que nous avons rapporté plus haut de Hartmann, nous devons nous attendre à le rencontrer parmi les protestataires : « Nous sommes déjà, dit-il, près du temps où le vol et le mensonge que la loi condamne, seront méprisés comme des fautes vulgaires, comme une maladresse grossière,

  1. Quelques petits pays ont adopté ces idées par imitation, pour être à la hauteur des grands pays.
  2. Il faut noter qu’en Allemagne il y a tellemet de Juifs dans le monde des spéculateurs que les idées américaines éprouvent une difficulté particulière à se répandre. Le spéculateur apparait an plus grand nombre comme étant un étranger qui pille la nation.