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à l’enfant beaucoup de mauvaises habitudes[1]. L’administration fut assez intelligente pour opposer à cette éducation barbare une éducation plus douce qui lui concilia beaucoup de sympathies ; il ne me paraît pas douteux que la dureté des châtiments cléricaux n’ait été pour beaucoup dans le déchaînement des haines actuelles contre lesquelles se débat si péniblement l’Église. En 1901, j’écrivais : « Si [l’Église] était bien inspirée, elle supprimerait complètement les œuvres consacrées à l’enfance ; elle supprimerait écoles et ouvroirs ; elle ferait ainsi disparaître la source principale où s’alimente l’anticléricalisme ; — loin de vouloir entrer dans cette voie, elle paraît vouloir développer, de plus en plus, ces établissements, et ainsi elle assure encore de beaux jours à la haine du peuple contre le clergé[2]. » — ce qui s’est produit depuis 1901 dépasse encore mes prévisions.

Jadis existaient des habitudes de très grande brutalité dans les usines et surtout dans celles où il fallait employer des hommes d’une force supérieure auxquels on donnait le nom de « grosses culottes » ; ils avaient fini par se faire charger de l’embauchage, parce que « tout individu embauché par d’autres était sujet à une infinité de misères et d’insultes » ; celui qui voulait entrer dans leur atelier devait leur payer à boire et le lendemain il fallait régaler les camarades. « Le fameux quand est-ce marche ; chacun y prend son allumette… Le quand est-ce

  1. Y. Guyot, La morale, p. 212-215. Cf. Alphonse Daudet, Numa Roumestan, chap. iv.
  2. G. Sorel, Essai sur l’Église et l’État, p. 63