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faire attention à ne pas le confondre, comme font beaucoup d’auteurs, avec le protestantisme contemporain ; ces deux doctrines sont placées aux antipodes l’une de l’autre ; je ne puis comprendre que Hartmann dise que le protestantisme « est la station de relâche dans la traversée du christianisme authentique » et qu’il ait fait « alliance avec la renaissance du paganisme antique »[1]; ces appréciations s’appliquent seulement au protestantisme récent, qui a abandonné ses principes propres pour adopter ceux de la Renaissance[2]. Jamais le pessimisme, qui n’entrait nullement dans le courant des idées de la Renaissance, n’avait été affirmé avec autant de force qu’il le fut par les réformés. Les dogmes du péché et de la prédestination furent poussés jusqu’à leurs conséquences les plus extrêmes ; ils correspondent aux deux premiers aspects du pessimisme : à la misère de l’espèce humaine et au déterminisme social. Quant à la délivrance, elle fut conçue sous une forme bien différente de celle que lui avait donnée le christianisme primitif : les protestants s’organisèrent militairement partout où cela leur était possible ; ils faisaient des expéditions en pays

  1. Hartmann, La religion de l’avenir. tad franç. p. 27 et p. 21.
  2. « À cette époque commença le conflit entre l’amour païen de la vie et le mépris, la fuite du monde, qui caractérisaient le christianisme. » (Hartmann, op. cit., p. 126.) Cette conception païenne se trouve dans le protestantisme libéral, et c’est pourquoi Hartmann le considère, avec raison, comme irréligieux : mais les hommes du xvie siècle voyaient les choses sous un autre aspect.