Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car elle pourrait être détruite par la force, comme elle a été créée par l’intervention de celle-ci ; — la littérature économique contemporaine est, d’ailleurs, pleine de plaintes relatives aux interventions de l’État qui troublent les lois naturelles.

Aujourd’hui les économistes sont peu disposés à croire que le respect de ces lois naturelles s’impose en raison du respect dû à la nature : ils voient bien qu’on est parvenu tardivement au régime capitaliste, mais ils estiment qu’on y est parvenu par un progrès qui devrait enchanter l’âme des hommes éclairés. Ce progrès se traduit, en effet, par trois faits remarquables : il est devenu possible de constituer une science de l’économie ; le droit peut atteindre ses formules les plus simples, les plus sûres, les plus belles, puisque le droit des obligations domine tout capitalisme avancé ; les caprices des maîtres de l’état ne sont plus aussi apparents et ainsi on marcherait vers la liberté. Tout retour au passé leur semble être un attentat contre la science, le droit et la dignité humaine.

Le socialisme considère cette évolution comme étant une histoire de la force bourgeoise et il ne voit que des modalités là où les économistes croient découvrir des hétérogénéités : que la force se présente sous l’aspect d’actes historiques de coercition ou d’oppression fiscale, ou de conquête, ou de législation du travail, ou encore qu’elle soit tout enveloppée dans l’économie, il s’agit toujours de la force bourgeoise travaillant, avec plus ou moins d’adresse, à produire l’ordre capitaliste.


Marx s’est attaché, avec beaucoup de minutie, à décrire les phénomènes de cette évolution ; mais il est