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sont aux Tuileries, et, contre les factieux de la Cour et du modérantisme, nous retournons, au nom de la patrie et de la liberté, le drapeau des répressions légales »[1]. Ainsi les insurgés commencent par proclamer qu’ils détiennent le pouvoir légitime ; ils combattent un État n’ayant qu’une apparence de légitimité et ils prennent le drapeau rouge pour symboliser le rétablissement de l’ordre véritable par la force ; vainqueurs, ils traiteront les vaincus de conspirateurs et demanderont qu’on punisse leurs complots. La véritable conclusion de toute cette belle idéologie devait être le massacre des prisonniers en septembre.

Tout cela est parfaitement simple et la grève générale politique se développerait en produisant des événements tout pareils. Pour que cette grève réussisse, il faut que le prolétariat soit largement entré dans des syndicats recevant l’impulsion des comités politiques, qu’il existe ainsi une organisation complète dépendant des hommes qui vont prendre le gouvernement et qu’il y ait à faire une simple transmutation dans le personnel de l’État. L’organisation de l’État postiche devrait être plus complète qu’elle ne le fut à l’époque de la Révolution, parce que la conquête de l’État par la force ne semble pas aussi facile à faire qu’autrefois ; mais le principe serait le même ; on pourrait même supposer que la transmission de l’autorité s’opérant aujourd’hui d’une façon plus parfaite, grâce aux ressources nouvelles que procure le régime parlementaire, et le prolétariat étant parfaitement encadré dans des syndicats officiels, nous verrions la révolution sociale aboutir à une merveilleuse servitude.

  1. Jaurès, Législative, p. 1288.