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des troupes de mercenaires, par des exhortations au prochain pillage, par des appels à la haine et aussi par les menues faveurs que leur permet déjà de distribuer l’occupation de quelques places politiques. Mais le prolétariat est pour eux de la chair à canon et pas autre chose, comme Marx le disait en 1873[1].

Le renforcement de l’État est à la base de toutes leurs conceptions ; dans leurs organisations actuelles les politiciens préparent déjà les cadres d’un pouvoir fort, centralisé, discipliné, qui ne sera pas troublé par les critiques d’une opposition, qui saura imposer le silence et qui décrètera ses mensonges.


C. — Il est très souvent question dans la littérature socialiste d’une future dictature du prolétariat sur laquelle on n’aime pas beaucoup à donner des explications ; quelquefois on perfectionne cette formule et on ajoute l’épithète impersonnelle au substantif dictature, sans que ce progrès éclaire beaucoup la question. Bernstein signalait, il y a quelques années, que cette dictature serait probablement celle « d’orateurs de clubs et de littérateurs »[2] et il estimait que les socialistes de 1848

  1. L'Alliance de la démocratie socialiste, p. 15. Marx reprochait à ses adversaires de s'inspirer des pratiques bonapartistes.
  2. La pensée de Bernstein se reporte évidemment ici à un article célèbre de Proudhon, dont il cite d'ailleurs un fragment à la page 47 de son livre. Cet article se termine par des imprécations contre les Intellectuels : « Alors vous saurez ce que c'est qu'une révolution provoquée par des avocats, accomplie par des artistes, conduite par des romanciers